Ecole secondaire, transport materiel

Publié le par ADM

 Dans cet article, je vais vous expliquer comment s'est déroulé le convoyage du materiel pour construire l'école secondaire.
Entre les sacs de ciment, les planches et chevrons, les toles, les barres de fer...nous avons eu dans les 18t.
Nous avons donc loué un bateau de tonnage suffisant qui nous permettait d'acheminer tout ce matériel à Kalya, 250 km au sud.
Nous avons chargé sur une petite plage prés d'un hôtel.
Il y a  eu plusieurs voyages du camion, qui en profitait pour s'ensabler régulièrement car le chauffeur s'évertuait  à passer par une zone difficile au lieu de la contourner. Ca nous faisait perdre encore plus de temps, mais tout le monde sait qu'en Afrique le temps, c'est un faux probleme.
Lorsque tout le fret a été chargé, nous avons attendu que les fùts d'essence arrivent (ils étaient soit disant prêts depuis la veille).
Une fois les 3 futs embarqués, nous avons recouvert tout ces matériaux d'une bâche, évidemment trouée  par endroit. Nous étions en saison des pluies et inévitablement nous allons y avoir droit et si les 300 sacs de ciment prenaient l'eau, il risquait d'y avoir des pertes.
 
Chargement du matériel                                          Chargement terminé

Finalement nous sommes partis en fin d'après midi, vers les 18H.
Inutile de préciser que sur ces grosses barques de 20 ou 30t, il n'y a pas de toilette, donc il vaut mieux prendre ses précautions avant et surtout ne pas avoir la dysenterie. Pour uriner, les hommes le fond par dessus bord, mais les femmes les pauvres se trouvent coincées.

Une chose que je ne savais pas, c'est que ces grosses barques s'aventurer rarement au large, car elles ne disposent pas de pont et une grosse vague peut facilement s'engoufrer et faire couler le bateau, donc pour assurer, il fallait longer la côte. D'autre part, aux villages importants, ils devaient accoster et montrer patte blanche aux militaires chargés de la sécurité de la zone. Ce qui fait que ça rallongeait pas mal le parcours car Kalya se trouve tout au sud de la péninsule, qu'il fallait donc entièrement contourner.

Je leur ai demandé s'il n'était pas possible d'accélerer car je trouvais la vitesse assez lente (pour quelqu'un qui vit à 200 à l'heure, rien d'étonnant); ils m'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas car leur patron n'avait pas donner assez d'essence; j'ai dit que j'avais déja payé pour ça et les 3 fùts ont été chargés; oui mais le 3eme n'était pas plein.
J'en ai déduit que s'ils réduisaient l'allure, ils allaient faire des économies sur le carburant et pourraient vendre ce qu'ils n'ont pas utilisé.
Les pays changent mais les combines restent les mêmes, quand on peut couillonner le patron  pourquoi se gêner. Il faut dire que si un blanc est dans l'affaire, ca fait monter les tarifs et le patron n'avait pas dù (voulu) en tenir compte.

La nuit a fini par tomber. On longe la cote, mais il m'était trés difficile de l'apercevoir. J'ai encore pu constater après toutes ces années, que nos frères africains disposent d'une vue et d'une ouie bien supérieures aux notres. Le ciel s'est couvert, alors là je peux dire que je ne voyais plus à 5m, ils utilisaient des torches par moment. Pourtant, ils continuaient à avancer, doucement mais surement.
L'orage a éclaté, avec des raffales de vent qui ont soulevé la bâche, qui n'était pas fixée, par manque de fixation et d'emplacement adéquate.
Tout l'equipage s'est réfugié sous la bâche, alors que le vent s'engoufrait et faisait rentrer l'eau à l'interieur. Je suis donc sorti sous la pluie et j'ai maintenu la bâche sur le bord du bateau, pendant juste 4h, alors que la pluie et l'orage se dechainaient. J'etais frigorifié et je n'avais plus un poil de sec.
Pensez vous que ca gênait l'équipage? eh bien non! ils n'étaient absolument pas concernés par cette situation et continuait à dormir sous la bâche. Ils ont pour cela des facilités phénoménales à dormir n'importe où et dans n'importe quelle position.
 Quand l'orage a cessé, j'ai demandé pourquoi ils n'avaient rien fait pour couvrir le ciment correctement et que c'était moi qui avait du me tapper le boulot; réponse: nous, on est payé pour le transport uniquement! Bon j'ai voulu essayé de discuter de la notion de conscience proffessionnelle, mais faut avouer qu'ils étaient hermétiques à ça.
Au fil des mois, j'ai pu me rendre compte que c'était un concept inexistant dans ce pays; la cause est simple, elle découle d'un regime gouvernemental qu'ils ont eu pendant des décennies, assez proche du rouge, ou l'Etat était tout et faisait tout, alors pourquoi s'affoler. Vous entrez dans une boutique, ou bureau, la personne concernée est en train de parler avec une autre, de rigoler avec elle et vous attendez. Quand ses petites conversations privées cessent, elle s'intéresse à votre cas, pas avant. Et surtout, ne jamais leur faire une réflexion la dessus, car ils sont trés suceptibles, en plus; Mais comme je vous dis, ils ne sont pas entièrement responsables car ils ont été pris dans un système.
J'essaie de leur expliquer qu'il est difficile de vouloir à tout prix le developpement sans faire l'effort de changer les comportements. Ca me renforce dans l'idée qu'il faut mettre l'accent sur l'éducation pour que les choses changent positivement pour eux.

Revenons à notre voyage; Quelques heures après le lever du soleil ils ont voulu s'arrêter dans un village pour manger; ils m'ont demandé si je pouvais évidemment leur donner de l'argent pour ça; j'ai précisé que c'était déja inclus dans le transport , donc c'est au patron qu'il fallait s'adresser pour ce genre de requête. Ils sont donc descendus; je leur ai dit que je ne voulais pas passer ma vie sur ce bateau à les attendre, alors que j'aimerai les voir revenir assez rapidement. Ben voyons!
Une fois à terre, moi dans le bateau, ils ont non seulement pris leur temps, mais en plus certains se sont allongés pour un brin de sieste, (traduction: ah le blanc, tu es pressé et tu n'as pas voulu nous donner de l'argent, c'est nous les chefs dans ce bateau, donc on part quand on décidera).
Ils sont revenus au bout d'une heure et demi.
Ils sont arrivés en vue d'un autre village important et là, il y a eu une divergeance d'opinion. Certains disaient qu'il fallait s'arrêter, d'autres non; ce qui fait qu'ils se sont rapprochés de la côte pour après s'en écarter. Résultat, un coup de feu. Ils m'ont fait comprendre que les militaires voulaient que l'on accoste. J'ai dit que vu votre comportement ils trouvent ca suspect, donc ils veulent vous voir, normal.
Ils sont donc descendus, enfin ceux qui avaient la responsabilité et les documents du bateau.
Au bout d'une demi heure, la barque des passeurs revient, sans eux. Les jeunes expliquent que les soldats voulaient voir le blanc. Je vais donc leur rendre visite et je parle avec eux, en anglais, car le chef de poste le parle. Tout est ok, vous pouvez partir.
Quand nous montons dans la barque des passeurs, ceux ci ne veulent pas partir et maintiennent les amarres. J'ai cru comprendre qu'ils voulaient d'abord être payés pour ces passages. Grosses discusions entre eux. L'idée m'est venue alors que jamais les militaires ont demandé à me voir, mais que c'était une initiative des passeurs pour faire un peu plus d'argent. La moutarde commencait à me monter au nez et j'ai dit que s'ils ne lâchaient pas la corde, j'allais la couper et j'ai sorti mon couteau que j'ai posé sur la corde.
Finalement un type a donne un billet au chef passeur et ils ont lâché la corde. Le jeune est venu s'assoir à 2m de moi, j'ai fait le mouvement rapide de me lever pour me jetter sur lui, il a tellement panique qu'il s'est jeté à l'eau et ça a déclanché un fou rire general, même lui n'a pas résisté. Ca c'est le bon côté de l'Afrique!
Nous avons poursuivi notre voyage et 36h après notre départ, nous sommes arrivés en vue de Kalya. Nous avons attendu que les autorités et administration se lèvent et prennent leurs fonctions, soit 7.30 , 8h. avant de débarquer.
Il est difficile d'apprécier ce genre de transport, totalement inconfortable et sans commodité, mais c'est ce qu'ils utilisent regulierement pour leur déplacements, faute de mieux pas cher. 
 
 
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